Raconter les histoires de Sybirol, c’est lui rendre son âme. Certaines appartiennent à la grande histoire, d’autres à la petite. Certaines sont documentées, d’autres appartiennent à la mémoire familiale. Évidemment Sybirol, s’il a une âme, n’a pas encore de voix, il fallait donc lui en prêter une. Et c’est pour cela que vous trouverez un « je » dans certaines de ces histoires. « Je », c’est Pierre, la dernière personne qui, après au moins 600 ans d’occupation, aura l’occasion de vivre Sybirol de sa naissance à sa mort (du moins il le souhaite !). Nous espérons que ces histoires vont vous distraire, vous intéresser, vous toucher. Sybirol se nourrit de l’affection que lui portent tous les visiteurs qui le découvre.

L’allée d’accès à la chartreuse était autrefois bordée de marronniers majestueux. Nous sommes dans les années 1960 et le drame se jouait tous les automnes : les marrons tombaient sur l’allée et les voitures les écrasaient sans pitié. Un vrai massacre qui désolait l’enfant que j’étais. Comment les sauver ? Les ramasser pour leur éviter de ce funeste destin !
J’avais quand même bien conscience que passer sa journée à ramasser des marrons pour éviter qu’ils ne soient écrasés, cela semblerait bizarre aux adultes qui m’entouraient. Il me fallait une justification. Mon chien Look serait le parfait complice, toujours prêt à jouer et à courir après tout ce que je lui lançais. Mais comme il fallait bien être efficace, je les lui lançai par poignées entières et le chien ne savait où donner de la tête. Aujourd’hui, adulte, je vois bien dans les bois quelques marronniers qui doivent avoir l’âge de ma jeunesse et me prends à rêver qu’ils sont le fruit de l’activité inlassable et importante de mon enfance.

La tempête de 1999 est passée sur cette allée. Tous les marronniers de l’allée, à l’exception d’un seul, sont tombés. Ironie de l’histoire : c’est moi qui ai eu à les replanter. Mais j’ai replanté des marronniers rouges : ils sont stériles et aucun enfant n’assistera plus au massacre des marrons.