Raconter les histoires de Sybirol, c’est lui rendre son âme. Certaines appartiennent à la grande histoire, d’autres à la petite. Certaines sont documentées, d’autres appartiennent à la mémoire familiale. Évidemment Sybirol, s’il a une âme, n’a pas encore de voix, il fallait donc lui en prêter une. Et c’est pour cela que vous trouverez un « je » dans certaines de ces histoires. « Je », c’est Pierre, la dernière personne qui, après au moins 600 ans d’occupation, aura l’occasion de vivre Sybirol de sa naissance à sa mort (du moins il le souhaite !). Nous espérons que ces histoires vont vous distraire, vous intéresser, vous toucher. Sybirol se nourrit de l’affection que lui portent tous les visiteurs qui le découvre.
Maudite pénétrante ! Elle a amputé Sybirol de deux hectares. Deux hectares, ce n’est pas grand-chose ! D’autres morceaux ont été détachés de Sybirol ! Oui, mais ces deux hectares là, c’était Monrepos ! Monrepos, un monde si exotique, si différent, un coin de paradis sauvage. Je vous explique : Sybirol a toujours été sec, c’est un coteau calcaire, l’eau y est rare et précieuse. Et puis, au Nord, dans un vallon, il y avait Monrepos : 2 hectares d’eau : un ruisseau « la gravette », des sources, partout des sources, une petite cascade, un bassin avec une île, une fontaine. Tout y était différent, la fraîcheur évidemment, même au cœur de l’été, mais aussi la lumière, la végétation, les bruits y étaient différents. Aller à Monrepos c’était une promenade qui tournait en aventure ! Et puis Monrepos avait son histoire, autonome, indépendante de Sybirol : Au 18 ème déjà, l’eau des sources de Monrepos est réputée pour sa qualité. On y édifie une fontaine, l’eau ferrugineuse y est bonne pour la santé, particulièrement pour les yeux.
En 1862 on y trouve un restaurant exploité par Mr Champion aîné, pâtissier fossés du Chapeau Rouge à Bordeaux : « un excellent restaurant bien approvisionné, qui se recommande aux consommateurs par la modération de ses prix. On y trouve des appartements meublés et un service omnibus à 20 places est établi entre Bordeaux et Monrepos. Des départs ont lieu tous les jours. Un bain, voiture comprise (sic ?) est à 1,20 francs. » En 1906 c’est Mr Castan, fondateur du célèbre bar Castan quai de Richelieu, qui en fait une guinguette réputée pour ses agréables promenades, ses attractions, ses grands bals et ses concerts. Bref la villégiature pour les ouvriers et employés en quête de divertissements !
Après la grande guerre, reconversion en hôpital des gueules cassées, militaires blessés qui viennent ici se reconstruire comme il peuvent. Et puis, tout s’arrête, tout s’endort. La nature reprend ses droits. Jusqu’à… la D.D.E. dans les années 1980 !
Elle aime les autoroutes et déteste les zones humides ! Pas de quartier, on exproprie, on draine, on buse, on assèche, on trace tout droit une route surélevée de 5 m, et, comble du cynisme, on crée un bassin écrêteur de crues en béton. Banale et brutale au point que 40 ans après, on l’appelle toujours « la Pénétrante Est » ! Bref un massacre ! Pire que celui des marrons si vous avez lu l’histoire précédente, et surtout définitif !
Monrepos n’existe plus que dans le souvenir de ceux qui l’ont connu.
Seule reste, comme une épave échouée en haut de la colline : la fontaine de Monrepos a été remontée (et encore mal !) en haut de la colline, dans l’axe d’entrée de Sybirol. Elle est belle mais seule, je ne peux même pas dire qu’elle pleure… puisqu’elle n’a pas d’eau !
Alors je le redis encore une fois, oui : maudite pénétrante !