Mr Fischer, dessines-moi un Parc ! Posted on 6 juin 2019Leave a comment

Raconter les histoires de Sybirol, c’est lui rendre son âme. Certaines appartiennent à la grande histoire, d’autres à la petite. Certaines sont documentées, d’autres appartiennent à la mémoire familiale. Évidemment Sybirol, s’il a une âme, n’a pas encore de voix, il fallait donc lui en prêter une. Et c’est pour cela que vous trouverez un « je » dans certaines de ces histoires. « Je », c’est Pierre, la dernière personne qui, après au moins 600 ans d’occupation, aura l’occasion de vivre Sybirol de sa naissance à sa mort (du moins il le souhaite !). Nous espérons que ces histoires vont vous distraire, vous intéresser, vous toucher. Sybirol se nourrit de l’affection que lui portent tous les visiteurs qui le découvre.

Si je devais faire une thèse ou un mémoire, certainement presque tout ce que je vais vous raconter devrait disparaître car trop basé sur des interprétations. Mais nous sommes ici pour raconter des histoires et ce qui n’est pas documenté sur papier n’en est pas moins visible sur le terrain pour qui observe attentivement le site.
Le seul plan complet de la propriété que nous possédions n’est ni daté ni signé. Même si on reconnait qu’il est 19ème, il n’est sans doute pas de la main de Fischer. C’est plutôt un plan cadastral. Il montre un tracé des allées conformes au parc pittoresque. Ce serait donc après l’intervention de Fischer. Mais il y manque un élément essentiel, le château d’eau. Les serres ne sont apparemment pas encore construites et la mare trop-plein qui termine le système hydraulique est encore une pièce de vigne. Peut-être finalement que tout le mérite du dispositif hydraulique ne revient pas à Raymond Cahuzac mais à Martin Cahuzac, auquel cas Fischer n’en serait pas le créateur puisqu’il meurt en 1873 et que Martin prend possession de Sybirol en 1887. A la place du château d’eau est dessiné une forme régulière en amande mais non légendée. Quelque-chose, mais quoi ? Là, je suis à court d’idées.

Mais le reste du tracé revient bien à Fischer si on le compare au cadastre Napoléonien de 1824, on voit l’impact de son travail.

Sur le plan cadastral Napoléonien, avant Fischer, un tracé régulier :
– 2 axes perpendiculaires qui organisent le site : un axe Est-Ouest organisé autour du bâti et un axe Nord-Sud qui sépare et distribue à l’est sur le plateau, les cultures et à l’ouest sur le coteau, le bois.
– 2 entrées principales,
1 dans l’axe du bâti avec le jeu de perspective du 18ème  en  haut.
1 située en bas sur l’actuelle avenue Pasteur, est une longue allée qui permet de découvrir progressivement le domaine. C’est l’entrée « normale » quand on arrive de Bordeaux.
-des jardins réguliers en carré organisés autour de la maison.

Sur notre plan après l’intervention de Fischer :
– Il crée une nouvelle entrée officielle : on rentrera dorénavant par en haut mais pas dans l’axe du bâti. « Avantage » de cette solution : il peut maintenant séparer par un écran végétal la chartreuse de la ferme, isoler les propriétaires des fermiers.
– Tout le jardin régulier autour du bâti disparait au profit de pelouses, massifs avec courbes et contre-courbes. Les photos du début montrent tout un travail de mosaïculture, de plantes en bac et une armée de jardiniers.
– Le parc et le bois se voient dessinés dans le même esprit.
L’axe Nord-Sud autrefois rectiligne séparant les bois des cultures est retracé avec des courbes.
Un axe central dans les bois à peu près rectiligne avec le carrefour en étoile, sans doute préexistant (courant dans les bois destinés à la chasse) est conservé, mais d’autres tracés sinueux secondaires s’y raccordent.
En contre-bas un dernier chemin suit la courbe de niveau, permet de desservir l’ermitage et offre de nombreux points de vue sur la ville.
Le tout est organisé en boucles qui permettent de choisir des promenades plus ou moins longues.
– Les plantations suivent aussi une logique : le parc autour de la maison est planté d’essences horticoles. Le bois de son côté est laissé naturel : chênes pédonculés et charmes dominent, mais chaque fois qu’un « événement » survient dans la promenade : fabrique, point de vue, bifurcation, il est automatiquement souligné par la plantation de quelques arbres horticoles plus sophistiqués.

On peut aussi voir le souci d’utiliser des ressources locales, bien avant les préoccupations écologiques de nos jours : toute ces allées sont construites avec du matériau pris sur le site : cailloux, grave et sable sont prélevés sur place. Les gravières ou sablières font ensuite autant d’espaces intimes en creux que le paysagiste met en scène et que le promeneur découvrira au détour de sa ballade.

Et maintenant, quand vous vous promenez, tout cela semble si naturel que vous en oubliez que quelqu’un l’a dessiné. Il s’appelait Louis-Bernard Fischer (1810-1873). Merci Mr Fischer !

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