Raconter les histoires de Sybirol, c’est lui rendre son âme. Certaines appartiennent à la grande histoire, d’autres à la petite. Certaines sont documentées, d’autres appartiennent à la mémoire familiale. Évidemment Sybirol, s’il a une âme, n’a pas encore de voix, il fallait donc lui en prêter une. Et c’est pour cela que vous trouverez un « je » dans certaines de ces histoires. « Je », c’est Pierre, la dernière personne qui, après au moins 600 ans d’occupation, aura l’occasion de vivre Sybirol de sa naissance à sa mort (du moins il le souhaite !). Nous espérons que ces histoires vont vous distraire, vous intéresser, vous toucher. Sybirol se nourrit de l’affection que lui portent tous les visiteurs qui le découvre.
Comme le « Fer à Cheval », le belvédère a son petit nom familial : c’est « La Maison des Oiseaux ». Facile à comprendre quand on le voit avec les yeux d’un enfant : c’est comme une maison, mais ouverte aux quatre vents, idéale pour les oiseaux donc, même si je n’ai pas le souvenir d’y avoir jamais vu un nid.
Mais soyons sérieux, cette fabrique est sérieuse : elle a une fonction claire et importante dans le dispositif des Cahuzac : régler le problème de l’eau à Sybirol. Lisez « le Fer à Cheval : des tas de questions, des hypothèses en réponse » et ensuite « Pauvre Monrepos » et vous aurez tout compris : versant Sud du côteau, habité, cultivé mais peu d’eau ! versant Nord : pleins de ruisseaux de source, de l’eau à profusion.
Seul problème : la topographie. Jusqu’à l’arrivée des Cahuzac : pas de solution simple : on ne sait pas faire monter de l’eau facilement. Dans les années 1860-90, l’ingénierie hydraulique se développe, le moteur à explosion aussi : on commence à savoir faire monter de l’eau. À Sybirol, la solution est simple : on pompe au Nord, à Monrepos, on stocke l’eau au point le plus haut du domaine, et après maison, ferme, serres et cultures reçoivent l’eau courante par simple gravité ! Et cela sans doute dès la fin du 19ème, alors que l’eau courante de la ville n’arrivera qu’en 1927.
A Monrepos, on construit un bâtiment qui abrite un système de pompage. Une maison d’habitation à côté. Du temps de Jules Pinçon, Mr Seurin l’habite : sa mission (j’ai les instructions écrites de l’arrière-grand-père) : démarrer le moteur le matin, le surveiller ainsi que les niveaux d’eau et l’éteindre le soir. Le système fonctionne en continu, distribue l’eau partout et le trop-plein non utilisé fini dans une mare derrière le potager creusée à cet effet et qui existe encore. Tout un réseau hydraulique dont on a encore les plans.
Au point le plus haut, le château d’eau. Mais si c’est le point le plus haut, c’est une belle vue potentielle sur tout le lointain des coteaux de l’entre-deux-mer. Autant en faire une fabrique ! Le style très à la mode de l’époque : le rocaillage. On découvre alors les possibilités de ce matériau inventé dans les années 1820-1830 : le ciment. Le truc qui fait fureur : imiter le végétal. Une structure métallique, du grillage cage-à-poule, du béton et du ciment, ajoutez-y des ouvriers-artisans qui développent ce savoir-faire (surtout dans le nord de la France) et un vrai style se développe, porté par quelques réalisations spectaculaires comme le Parc des butte Chaumont à Paris.
À Sybirol, l’ouvrage est imposant : posé sur un socle de pierre faisant office d’abreuvoir, une plateforme circulaire auquel on accède par un escalier : faux troncs, fausses branches. Dessous se cache la citerne principale. Le kiosque lui-même et la rambarde : des faux rondins de bois, imitant le chêne, le bouleau, le cerisier… chaque compagnon rocailleur a sa technique et sa spécialité. Le haut enfin : une charpente fausse poutre de chênes, un toit imitation chaume avec un tronc mort au sommet. Le toit camoufle encore une citerne, plus petite mais plus haute : grâce à elle, on gagne 0.5 kg de pression. Même les rivets supposés tenir tous ces éléments sont faux. Tout est en béton ! Jusqu’au mobilier, malheureusement volé dans les années 1980 : une table et des sièges « champignons ».
Problème : La technique nouvelle à l’époque est un peu expérimentale : Avec le temps, la corrosion du métal de la charpente fait éclater le béton. La « Maison des Oiseaux » était en train de se ruiner. Après avoir passivé le métal, les artisans rocailleurs qui continuent à perpétuer ce savoir-faire sont intervenus pour redonner à cette folie tout son éclat.