La serre de Mr Cahuzac Posted on 6 juin 2019

Raconter les histoires de Sybirol, c’est lui rendre son âme. Certaines appartiennent à la grande histoire, d’autres à la petite. Certaines sont documentées, d’autres appartiennent à la mémoire familiale. Évidemment Sybirol, s’il a une âme, n’a pas encore de voix, il fallait donc lui en prêter une. Et c’est pour cela que vous trouverez un « je » dans certaines de ces histoires. « Je », c’est Pierre, la dernière personne qui, après au moins 600 ans d’occupation, aura l’occasion de vivre Sybirol de sa naissance à sa mort (du moins il le souhaite !). Nous espérons que ces histoires vont vous distraire, vous intéresser, vous toucher. Sybirol se nourrit de l’affection que lui portent tous les visiteurs qui le découvre.

Sur la photo, 12 personnes posent fièrement. Aucun doute, il est facile de distinguer les propriétaires, les 2 femmes et l’enfant, du personnel de la propriété. Au passage la femme habillée en pantalon et avec un vélo nous permets de dater la photo au début du 20ème siècle. Mr Martin Cahuzac n’est pas sur la photo mais c’est bien lui qui mène les destinées de Sybirol.

Mais la vraie héroïne de la photo, n’est-ce pas plutôt la serre qui se dresse, imposante en arrière-plan ? Cette serre, Mr Cahuzac l’a construite pour mettre en scène ses orchidées. Elle fait plus de 200 m2, 8m de haut, construite en métal et verre, comme on sait faire depuis 30 ou 40 ans. Par-dessus, des clayonnages la protègent du soleil, elle est chauffée, relié au système d’alimentation en eau courante dont dispose le domaine grâce au château d’eau. Pièce maitresse du dispositif : le mur rocaille-cascade en fond.

Le mur est en brique avec des moineaux qui lui donnent l’air d’un pignon de maison hollandaise. La rocaille est faite grâce à des morceaux calcaire coquillé fixés par des tiges métalliques et organisés en rochers grâce à des joints au mortier. Le tout forme comme une sorte de grotte peu profonde, comme une réduction de ce quelqu’un d’autre à construit au château Majollan à Blanquefort. On y trouve des stalactites, des stalagmites mais aussi des trous-soupières dans lequel il peut disposer ses orchidées en fleur. Et pour finir le tout, une cascade qui ruisselle sur les rochers, un bassin au pied du rocher et un système de pompe et de réserve enterrée qui permet à l’ensemble de fonctionner en circuit fermé ! On imagine l’effet produit sur le visiteur de l’époque ! Un ouvrage démesuré qui résistera mal à la disparition de Mr Cahuzac.

Années 1980 : depuis longtemps il n’y a plus d’orchidées. La serre a survécu mais elle est mal en point. En partie couverte de tuiles, en partie à l’air libre avec des carreaux cassés, elle sert de grange à foin. Un hiver un peu neigeux, et tout s’effondre. Une seule chose à faire : débarrasser et évacuer un amas de fer, verre et briques. Seul reste le mur du fond avec sa rocaille, beau reste mais maintenant sans soutien et à l’air libre.

2014 : la mairie de Floirac s’engage dans la restauration des fabriques. Des spécialistes des monuments historiques se penchent sur le destin de ce reste. Le mur penche dangereusement, si rien n’est fait, il est condamné à tomber. Restaurer la serre dans son état d’origine ? Trop hypothétique, trop cher et de toute façon inutile ! A coup de discussions entre maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre, Drac et entreprises, le projet émerge :  Ce mur deviendra une nouvelle fabrique : un élément décoratif autonome, restauré et remis en scène. 2 travées métalliques permettront d’évoquer la serre ancienne et apporteront un soutien à ce mur qui penche. La rocaille sera restaurée et protégée de la pluie en vitrant la 1ère travée. On évite le pastiche, le métal et le verre acceptent la modernité, au service du vestige qu’est cette rocaille.

Passionnant d’assister à ce processus et le résultat est bluffant !