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Maria Casarès à Sybirol : Sybirol s’en tire mais la famille trinque !

Maria Casarès à Sybirol : Sybirol s’en tire mais la famille trinque ! Posted on 19 juillet 2019

Raconter les histoires de Sybirol, c’est lui rendre son âme. Certaines appartiennent à la grande histoire, d’autres à la petite. Certaines sont documentées, d’autres appartiennent à la mémoire familiale. Évidemment Sybirol, s’il a une âme, n’a pas encore de voix, il fallait donc lui en prêter une. Et c’est pour cela que vous trouverez un « je » dans certaines de ces histoires. « Je », c’est Pierre, la dernière personne qui, après au moins 600 ans d’occupation, aura l’occasion de vivre Sybirol de sa naissance à sa mort (du moins il le souhaite !). Nous espérons que ces histoires vont vous distraire, vous intéresser, vous toucher. Sybirol se nourrit de l’affection que lui portent tous les visiteurs qui le découvre.

Faut-il mettre en ligne et épisode où Sybirol est bien mis en valeur, mais où la famille trinque ?

Maria Casarès, actrice célèbre de la troupe Jean Vilar est aussi, pendant de longues années, la maîtresse d’Albert Camus qui, lui reste marié. Comme ils ne vivent pas ensemble, ils échangent une correspondance abondante où ils se racontent leurs journées. Août 1953, Maria séjourne à Lacanau, mais comme elle connait une des cousines de la famille, Christiane Pinçon, elle a l’occasion de passer une soirée à Sybirol. Jules Pinçon est encore vivant, tel un patriarche, et une bonne partie de sa famille, enfants et petits-enfants vivent sur place.

Maria Casarès fait le récit de son passage à Sybirol à Albert Camus :

« Oh ! douce existence ! Pourquoi ne pouvons-nous la partager ? Le pays est extrêmement sain et un docteur dont je viens de faire la connaissance – ami de la Pinçon, partie depuis deux jours pour l’Espagne, enfin ! – m’a dit que près du Moutchic et même à côté d’ici il y a un sanatorium et un préventorium. J’ai donc pensé que tu pourrais y vivre sans danger, peut-être, et qu’il est dur de te savoir si loin, avec ce silence au milieu de nous.
Oui ; la Pinçon a découvert mon repaire et elle est venue. Elle a fait son apparition un après-midi sur la grève, flanquée d’un « Juan-couturier », gentil, vulgaire ou plutôt commun et folle à lier. Il s’appelle Jeff. Ils avaient entendu dire à Bordeaux que j’étais à Lacanau et ils n’ont pas tardé à venir, accompagnés du docteur, homme un peu plus âgé, bien élevé et pas bête à ce qu’il me semble….
C’est eux qui m’ont emmenés dîner au Moutchic dans une villa préfabriquée, cédée pour quelques jours au docteur et à son amie, et c’est eux encore, qui m’ont fait visiter une nuit les larges domaines de Sybirol – famille Pinçon – d’où l’on découvre la ville de Bordeaux illuminée, et où l’on trouve la plus ravissante maison que l’on puisse rêver – style fin Louis XIII, début Louis XIV – mal meublée, mais noble et entourée par des bois où chaque arbre mérite une rêverie particulière.
C’est un rendez-vous de chasse, parait-il, échoué on ne sait par quelle fatalité dans les mains de la famille Pinçon faite, elle, pour peupler un roman de Mauriac et dont Christiane est le fruit le moins pauvre mais le plus gâté. »

Sybirol reçoit son lot de compliments mais la famille est littéralement assassinée en une phrase ! Si je rencontrais Maria Casarès maintenant (impossible, elle est décédée il y a longtemps), je lui ferais remarquer que, s’il elle était une immense artiste, elle n’était pas une très bonne historienne de l’art et je l’inviterai à un peu plus de mesure avant de condamner si radicalement une famille, certes silencieuse et sans doute bourgeoise, mais qui ne méritait cependant pas d’intégrer l’univers si lourd des romans de Mauriac !